Il devrait y avoir un quota de changements dans une année. Une règle qui interdirait à quiconque de changer de voiture plus de deux fois dans l'année, de repeindre plus de trois fois leur salon ou même de couleur de cheveux. Une loi qui aurait interdit à Sara de quitter New-York pour partir à l'aventure bien trop loin des gens qu'elle aimait. Elle avait vécut bien trop de changement en si peu de temps, elle aurait pu devenir complètement folle. Sa mère avait douté de son état psychologique bien avant sa crise d'angoisse mais c'était surtout pour ramener sa fille trentenaire dans le nid parental. Enfermée entre ces deux éléments imposants, l'eau et la montagne, la ville ressemblait à un tombeau à ciel ouvert d'après sa sœur et les photos qu'elle avait vu sur google image. Elle n'avait pas hésité à rajouter: le tombeau de tes rêves et de ta naïveté, grande sœur. Ce n'était pas le genre de phrase que Sara aurait voulu entendre après avoir posé ses pieds dans la ville. Un minimum de soutient, c'est tout ce qu'elle demandait, ce n'était pas grand chose mais sans doute trop pour sa famille. Les heures passaient et elle commençait déjà à croire sa sœur. Elle n'avait pas encore rencontré la personne pour laquelle elle était là mais elle ne semblait pas très optimiste pour la suite des événements. Le pessimisme est la pire des maladies contagieuses. La chambre d'hôtel n'avait rien d'extraordinaire, son appartement lui manquait déjà, bien qu'il était devenu un peu trop grand pour elle seule, la décoration était à son goût, bien plus que cette chambre. Si le besoin de retrouver tous ses souvenirs n'étaient pas aussi important, la première nuit dans le lit lui aurait suffit à renoncer. Elle aimait son petit confort, bien qu'elle adorait accentuer les différences entre elle et les new-yorkaises qu'on voyait dans les films, elle était identique à elles, peut-être un peu moins capricieuse sur certains points, mais elles étaient identiques.
Elle ne connaissait qu'un seul moyen pour se changer l'image négative de la ville dans sa tête, la visiter. En prenant l’ascenseur, déterminée à user ses semelles sur l'asphalte, elle ne se doutait pas que son voyage se terminerait bien plus tôt que prévu dans une salle de cinéma. Visiter la ville, seule ne l'aidait en rien à changer son avis. Elle s'était donc engouffrée comme un dernier recours dans le cinéma. La séance terminée son calvaire recommença de nouveau grâce à l'appel de sa mère.Quand comptais-tu me le dire ? Bonjour maman. C'est la pire idée que tu pouvais avoir. Le rejoindre, c'est complètement stupide. Vous êtes divorcés et si il est parti loin, désolée de te le dire, c'est qu'il y a une raison. Elle n'écoutait qu'à moitié sa mère, elle connaissait ses remontrances par cœur et même si elle avait peut-être raison sur le départ de son ex, Sara espérait toujours que cette raison soit d'ordre professionnel et rien d'autre. Tu crois qu'il a vraiment envie de revoir son ex-femme après autant de temps ? Il est peut-être passé à autres choses et il est temps pour toi de faire de même. Voir l'enseigne du Starbuck provoqua un double soulagement, un élément enfin familier dans cette ville et une raison pour couper court à la conversation ou plutôt mettre fin au monologue de sa mère. Même dans ce lieu qui lui rappelait sa ville, son style new-yorkaise de luxe faisait tache. Le téléphone encore collé à l'oreille elle loupa presque la présence de celui pour qui elle avait fait des kilomètres. S... Sara ? En le voyant, elle comprit pourquoi des années auparavant elle lui avait succombé. Certes il avait vieilli, comme elle d'ailleurs mais il avait toujours un certains charme. Je dois te laisser. Sans attendre elle raccrocha donnant une occasion en plus à sa mère de la rappeler plus tard. Depuis son accident, elle avait l'impression d'avoir 16 ans à nouveau. Surprise. Elle ne s'attendait pas à le croiser si tôt, elle pensa même que c'était beaucoup trop tôt, elle n'était pas totalement prête. Je pensais pas te croiser si tôt, j'avais commencé à préparer un petit discours mais j'ai pas eu le temps de la terminé, ni de l’apprendre d'ailleurs. Elle était stressée, ce n'était que la deuxième fois qu'elle le voyait depuis son réveil. Il allait peut-être l'envoyer sur les roses comme sa sœur lui avait prédit. Avant toute chose, je tiens à te dire que je ne suis pas là pour jouer le rôle de l'ex-femme complètement folle et chiante. Je comprendrai si ma présence ne te plaît pas mais ce n'est pas pour autant que je quitterai la ville dans le premier avion donc te voilà prévenu. Elle termina sa phrase par un sourire.