Quand Gerry se réveille ce matin-là, il n'y a pas de goût pâteux dans sa bouche, pas de corps dénudé à côté du sien, pas de cadavre de bouteilles chez lui ou ne serait-ce même une preuve minuscule du bon temps qu'il a passé chez lui hier soir. Néanmoins, la télécommande abandonnée sur la table basse, la boîte de pizza dans la poubelle indiquent clairement qu'hier soir, Gerry a passé une soirée tranquille devant la télé. Et les soirées tranquilles, à trente-huit ans, il ne fait pas. Il n'a aucune idée si c'est une espèce de crise de la quarantaine ou une peur de vieillir et pour tout dire, il s'en contrefiche. S'il voulait se faire analyser, il irait voir un psy, merci bien. Généralement, quand il voit un psy, il court dans l'autre direction à moins que ce soit une femme super canon. Dans tous les cas, ce matin-là, Gerry se réveille avec beaucoup trop d'énergie à dépenser et de mauvaise humeur. Depuis son divorce et son arrivée en Alaska, il n'y a pas un seul jour où il n'ait pas bu, fait la fête, coucher avec Holly - pour qui il s'est attachée même s'ils ont dix-huit ans d'écart - bref, vécu sa vie de fraîchement célibataire. Cette idée le déprime affreusement. La vie a montré à Gerry que la vie de couple, la vie de famille, plus largement, les activités sentimentales où il faut s'investir ne sont pas faites pour lui. Il supporte tout juste les responsabilités de son travail et ça ne va pas plus loin. En revanche, s'il y a une chose pour laquelle il est doué, c'est faire le con ; agir de façon immature pour son âge sans tenir compte de l'opinion des autres. Rater une opportunité de faire ce pourquoi il est doué à tendance à l'accabler. Gerry passe un temps ridiculement long sous la douche à ressasser ses pensées, à chasser toutes ses pensées concernant son ex-femme. Il aime toujours Sara mais il doit passer à autre chose. Il a commencé à s'éprendre sérieusement d'Holly et franchement, de toutes les conneries qu'il ait faites, penser à s'investir dans une relation avec une mineur qui est la fille de son patron dépasse tous ses records. Au final, Gerry finit par prolonger sa douche en prenant du bon temps. Quand il en sort, il n'a pas les idées plus claires. Il se cuisine un petit-déjeuner qui tire plus sur le brunch et laisse la vaisselle dans l'évier pour aller manger sur son canapé, devant une émission de télé-réalité débile. Il peut sentir l'énergie picoter ses nerfs. Finalement, Gerry se décide d'appeler Jackie. Dans ces moments là, il aime à penser qu'il pourrait avoir sa soeur à ses côtés prête à lui changer les idées ou à lui botter le cul. Elle ne serait pas aussi jeune que Jackie mais la brune lui rappelle sa soeur décédée. Pétillante, amusante, magnifique, il la considère comme une autre petite soeur. Il lui propose d'aller faire un jogging sur la plage de l'île parce que c'est un endroit sympathique pour courir. Quand il reçoit une réponse à son texto, il ne perd pas de temps pour aller s'habiller, mettre ses chaussures de sport, ses lunettes de soleil - plus là pour la frime qu'autre chose - et il se rend au ferry. Le voyage passe rapidement vite et quand il arrive, il repère rapidement la jeune femme. « Salut toi ! » Il lui offre son plus beau sourire. « Prête pour un peu d'exercice ? »