✩ il y a le temps d'avant...
       Il fut un temps où j'étais tout petit. Non, je vous jure, je ne suis pas né avec presque la trentaine déjà. Je suis né à Seattle, l'immense ville qui se trouve au Nord-Ouest des Etats-Unis (et oui, c'est là aussi où se passe Grey's Anatomy). Mes parents sont tous les deux agents immobiliers et c'est d'ailleurs au travail qu'ils se sont rencontrés. Cinq ans après ma naissance ils ont eu leur second et dernier enfant, ma petite sœur. Et on a vécu une enfance heureuse jusqu'à ce que mes parents divorcent alors que je venais tout juste de fêter mes quinze ans. Nous, on ne l'avait pas vu venir celui-là, et ça nous a un peu traumatisé. Non, vraiment, tout semblait bien se passer jusqu'à ce qu'ils nous annoncent ça, à un Noël, parce qu'ils ne « s'aimaient plus et puis c'est comme ça et pas autrement » et puis en plus il fallait qu'on choisisse nous-même avec qui on voulait vivre parce qu'ils avaient ce besoin de se sentir aimé. Ma sœur avait 10 ans, alors elle a reposé sa décision sur la mienne et puisque je suis un malin j'ai choisi l'option une semaine chez l'un et une semaine chez l'autre... Et mon père a déménagé en Alaska, à Anchorage plus précisément. Du coup on passait les vacances chez lui, puisqu'on avait toujours vécu à Seattle et que c'est ici que notre vie se trouvait, avec les cours et les copains.
       Et puis mon père est tombé malade. J'avais 21 ans, majeur et vacciné et je pouvais changer d'université facilement alors j'ai décidé de le rejoindre parce que les médecins lui donnaient maximum un an à vivre. J'ai aussi embarqué ma sœur, avec l'autorisation maternelle et nous voilà au pays des pingouins. A mon plus grand étonnement je m'y suis rapidement plu et senti comme chez moi et j'ai décidé, un peu par hasard, que c'est ici que je voudrais vivre ma vie. Pour la simplicité de la ville et son calme, un peu tout le contraire de Seattle. Et cela n'a rien à voir avec le fait que je l'ai rencontré elle.

... le pendant...
       Elle. Maxine. Je l'ai croisé pour la première fois à peine deux semaines après mon arrivée alors que j'allais faire les courses. Elle se faisait agresser verbalement par un type hideux et elle pleurait. Je me suis interposé, le type s'est barré et je me suis fait jeté. Un peu. Beaucoup, en fait. Je l'ai croisé souvent par la suite, elle avait l'air triste. Malgré le fait qu'elle ne cessait de me repousser, je n'ai pas pu m'empêcher de tomber sous son charme. Quoi que, on peut s'empêcher d'être amoureux ? Je n'ai jamais été aussi persistant pour connaître une femme, la preuve que j'en étais dingue. Et finalement, au bout de deux ans j'ai craqué. Je l'ai embrassé, contre son avis et... Elle s'est rendue compte que je l'aimais, enfin. Et on a commencé à sortir ensembles. Et on était merveilleux. Je me sentais complet, je savais que c'était la bonne. Maxine était parfaite. Et tellement belle. Je l'ai demandé en mariage, parce que ça me semblait la suite naturelle des choses et que j'avais l'approbation de ma sœur. A cette époque j'avais tout ce dont j'ai toujours rêvé : le job de mes rêves, l'appart de mes rêves que je partageais avec la fille de mes rêves qui devait devenir ma femme. Je crois que je n'ai jamais été aussi heureux. Enfin si, peut-être un an plus tard lorsqu'elle m'a annoncé qu'elle était enceinte. Fonder une famille, avec elle, c'était plus qu'un rêve. Rêve qui devenait réalité avant de tourner au cauchemar. Max a toujours eu des insécurités, à cause de son passé et de son père, mais pourtant j'avais fini par croire que ça lui passait... Avec moi, qu'à deux ça allait mieux. Sauf qu'elle ne voulait pas de ce bébé. Et elle comptait l'abandonner à la naissance, le faire adopter, sans même prendre mon avis en compte. Je l'ai quitté, blessé comme pas possible. Et très égoïstement j'ai profité des vacances scolaires pour rentrer à Seattle et aller demander conseil à ma mère.

... et l'après. ✩
       J'allais garder le bébé. C'est mon fils, après tout, j'ai parfaitement le droit d'avoir sa garde. Je suis rentré à la maison, récupéré mes affaires et déménagé chez ma sœur et puis j'ai pris mon congé parental pour l'année suivante. Et j'ai attendu que Max accouche, profitant de ces mois pour me remettre de ma rupture. Bien sûr que j'ai maintes fois pensé à aller la retrouver, m'excuser, essayer de reprendre tout comme avant... Mais elle voulait abandonner notre enfant, et je ne pouvais juste pas ! C'est Lexie, la sœur jumelle de Max avec qui j'ai pu entretenir une amitié forte le temps de notre relation, qui m'a prévenu que ma belle accouchait. J'étais déjà en vacances et j'ai pu directement filer à la maternité. L'accouchement c'est bien passé, l'infirmière m'a dit. Je pourrais récupérer Sasha quelques jours plus tard, étant donné que toutes les démarches administratives avaient été faites avec l'aide d'un avocat pour que je sois le responsable légal de l'enfant. Max lui avait donné un prénom, quand même. Celui que je préférais, après toutes les après-midi qu'on avait passé sur le canapé à chercher, elle en mangeant de la crème glacée à la vanille et moi soutenant l'effort avec du beurre de cacahuètes. Lorsque enfin il a pu sortir de l'hôpital, je suis retourné à Seattle où ma mère m'attendait, prête à m'aider à m'occuper de lui. A me montrer comment faire, et m'épauler quand j'en aurai besoin.
       Elle a été d'un véritable soutien. Les premiers mois ont été véritablement difficiles, parce que les enfants je sais les gérer mais les bébés... Maintenant, oui. En plus il me rappelait Maxine, et je n'étais toujours pas guéri de cette rupture et je le serai sans doute jamais car malgré tout ce qu'il s'est passé je suis toujours amoureux de ma jolie blonde. Sasha a pris tout mon temps, il est devenu le centre de ma vie aussi. Vraiment, aujourd'hui je vis pour lui. Aujourd'hui cela fait trois mois que je suis de retour à Anchorage, dans la maison occupée auparavant par mon père, parce que mon congé est terminé. J'ai réussi à trouver une routine quotidienne : déposer Sasha chez la nourrice le matin, aller travailler, déjeuner avec les collègues et passer un coup de téléphone pour être sûr que tout se passe bien parce que je suis parano, travailler encore et puis aller récupérer Sasha, après avoir fait un brin de courses. Il ne marche pas encore bien qu'il a treize mois, mais je compte bien le mettre sur ses pieds pendant les grandes vacances d'été. Je passe aussi souvent chez ma sœur, qui est maintenant une grande fille, a son propre appartement qu'elle partage avec son copain. Elle m'aide aussi beaucoup avec mon fils, me propose de le garder le week-end pour que je sorte et rencontre des gens... Et si ça fait seize mois que je n'ai pas vu Maxine je l'aime toujours, et je ne suis pas prêt à passer à autre chose. De toute façon je n'en ai pas le temps. Je sais qu'un jour je serai amené à la revoir, j'ai déjà croisé sa sœur au détour du rayon fromage une fois, bien que je ne suis pas certain si elle m'a vu elle. Sauf que j'ignore comment je serai amené à réagir face à elle, et comment elle réagira lorsqu'elle me verra, et lorsqu'elle découvrira que j'élève notre fils seul, alors qu'on aurait pu le faire à deux et être heureux, et même mariés maintenant.