silas, il aime les jours de pluie quand il les passe sous sa couette, il préfère quand même le soleil, sentir la chaleur frapper sur son corps. il aime beaucoup de choses inutiles, mais qui le définissent. les tatouages, même s'il en a pas, pas encore du moins. y a ces vieux films en noir et blanc, qu'il adore regarder avec une pizza, plat favori, et une bière, boisson favorite tous les soirs. silas, il aime la musique, inconditionnellement, il voudrait en vivre, mais pour l'instant, il l'écoute. du rock au metal, en passant par l'indie. il aime l'odeur des paquets de cigarettes, il aimes les cigarettes tout court d'ailleurs. les joints aussi, de temps en temps. il aime la nuit, il vit la nuit aussi bien que le jour, mais la nuit, il se sent encore plus vivant. il aime l'eau aussi, énormément. il peut passer des heures dans l'eau d'une piscine, d'une plage ou d'une douche.
silas, il aime pas beaucoup de choses aussi. il aime pas les chats, il les trouve moche et inutiles. il aime pas les légumes non plus, c'est bien un mec pour ça. il aime pas les filles refaites, les fils à maman. silas, il aime pas le silence, sauf la nuit. ça le dégoûte de voir la misère d'un côté et la richesse de l'autre, il aime pas l'inégalité, mais il peut rien y faire. il aime pas la méchanceté gratuite, pourtant, il l'est parfois lui, méchant gratuitement. il aime pas qu'on le prenne pour le cliché du sauveteur à la plage.
le garçon, il se lève tard quand il peut, dès qu'il peut. il sort jamais sans son canif, cadeau de son père pour ses dix-huit ans, son porte bonheur. il fait du sport au moins trois fois par semaine, de la boxe essentiellement, ça le défoule. il court aussi, sur la plage, quand il bosse pas. il joue de la guitare, rudement bien, depuis ses six ans. il apprend le violon. c'est un fasciné du feu, il hésite pas à jouer avec son briquet des fois. il passe trop souvent une main dans ses cheveux, il se craque les os des doigts quand il est stressé. il est jamais en panne de clopes, il en passe jamais non plus. ou rarement, parce que merde, ça coûte cher.

que pensez-vous de la légende? y croyez-vous? j'pense que c'est qu'une légende, comme toutes les légendes. j'ai peut-être du mal dans les relations amoureuses, mais c'est pas pour autant que j'y crois, ça me touche pas, même pas de loin. disons que c'est une légende pour les romantiques... ou les désespérés au bord du suicide, ce qui n'est pas mon cas. parlez-nous de votre vie sentimentale, de manière générale. de manière générale ? ok. de manière générale, j'ai ces filles à la plage qui font exprès de s'évanouir, ou celles qui viennent me dire qu'elles se sont fait piquer par une méduse. c'est ça, de manière générale. sinon, y a bien cette fille, que j'ai pas vu à la plage, que j'ai jamais vu en fait. ben elle, elle me plaît. êtes-vous plus du genre fétard ou flemmard? fêtard. et flemmard. ça dépend de l'heure, de ce qu'on me propose de faire. genre, une soirée, j'suis fêtard. travailler deux heures de plus, j'suis flemmard. comme tout le monde je crois. j'suis le mix des deux. voir des couples heureux, ça vous fait quoi? ni chaud ni froid quand j'm'en tape royal. sinon, comme en ce moment, ça m'saoule. ils sont de partout, on est limite envahi putain. j'ai envie de leur dire d'aller chez eux, mais j'ai pas le droit, si ? pensez-vous que la malédiction à joué sur votre vie sentimentale? je. non. pourquoi ça aurait joué sur ma vie sentimentale ? surtout que je suis là depuis pas longtemps. je vois mal comment elle pourrait m'atteindre, la malédiction. genre, salut silas, t'es le nouveau de la ville et bam, tu seras malheureux toute ta vie. non, vraiment, ça a pas joué sur ma vie sentimentale, puis au pire, c'est qu'une légende.

✩ good to know you
« Casse-toi d'ici. » Pourtant, il vient de rentrer. Il regarde son père, furieux, si furieux qu'il tourne la tête vers son frère. Mais lui aussi il l'est. Lui aussi il a bien envie de lui casser la gueule. Silas, il fait mine de pas comprendre, mais il est pas idiot, il s'est fait cramé, le gosse. « Putain Silas, je te jure que si dans deux minutes t'as encore tes pieds dans cette maison, j'te tue. » Il reste muet, comme s'il avait plus de langue. Il est pas habitué à ce que son père lui parle comme ça. Parce que son père, c'est son modèle, le plus grand, avant son frère. Il hésite un peu, il bouge pas, mais son père le fout dehors, il le tire par le t-shirt, ça va vite, trop vite pour qu'il puisse résister. Il se fait jeter, le gamin. Dix-neuf ans et déjà dans la rue. Il a pas de larmes, rien, parce qu'il sait qu'il a foiré. Il sait pourquoi il est dehors en ce moment même. C'est à cause de marie-jeanne tout ça. A cause de marie-jeanne et de tout ce qui va avec. Fallait pas entrer dans ce merdier, il le sait. Mais maintenant, il est bien obligé de retourner voir les trafiquants avec qui il se fait de la thune. Parce qu'il a pas de maison, il a plus rien là. C'est un jeune qui s'est brûlé les ailes trop vite. Deux secondes et bam. Envolée la vie tranquille.

***
[00:19] BLISS - Tu m'as toujours pas dit comment tu t'appelais.
[00:23] SIL - Toi non plus remarque. Puis moi, Sil, c'est la moitié de mon nom.
[00:24] BLISS - Silvio ?
[00:26] SIL - T'es malade toi. J'te dis comment je m'appelle si tu me dis ton nom aussi.
[00:27] BLISS - Ryan.

Ryan. Mais il le savait déjà, Silas. Il s'était imaginé un truc plus cliché, du genre Amanda, ou Jennifer. Ça lui va bien, Ryan. Ça colle bien à son visage, pour ce qu'il le connait. Après tout, il n'a vu que sa photo de profil, petite et flou. Mais il est sûr que ça lui va bien, mieux qu'Amanda.

[00:29] SIL - Tes parents sont au courant qu'ils t'ont donné un nom de mec ?
[00:31] BLISS - La ferme. A toi maintenant.
[00:33] SIL - J'te le dis si tu me dis où tu vis.
[00:34] BLISS - Vas te faire, c'est de la triche.
[00:34] SIL - Promis, je compte pas venir te harceler.
[00:41] SIL - Bon ok, boude pas. Silas.
[00:44] BLISS - Ça existe ce prénom ?
[00:44] SIL - Jalouse.

Ça le fait doucement sourire derrière son écran. Il l'aime bien, Ryan. Il l'aime bien, parce qu'il commence à la connaître un peu. Il lui parle depuis six mois, à peu près. Elle en sait un peu des choses sur lui. Elle sait surtout qu'il a pas totalement arrêté la drogue, il sait pas pourquoi il lui a dit ça un soir, c'était durant un bad sûrement. et il s'est confié, alors qu'il déteste faire ça. Il regarde son écran, s'allume un joint.

[00:49] BLISS - Silas ?
[00:50] SIL - C'est moi.
[00:51] BLISS - Ca te fait pas chier des fois de te dire qu'on se verra jamais ?

Il se redresse sur son siège. Silas, il s'attendait pas à ça. Alors, il fronce les sourcils, le joint bien chargé lui monte à la tête, mais il est habitué aux effets, alors il prend sur lui et se concentre sur les touches de son clavier.

[00:53] SIL - Dois-je te rappeler que c'est toi qui m'a formellement interdit de te rechercher sur facebook et compagnie ?
[00:55] BLISS - Non.
[00:56] SIL - Alors dis pas des trucs comme ça.
[00:58] BLISS - Mais j'peux quand même avoir le droit de regretter le fait qu'on se verra jamais ?
[00:58] SIL - C'est inutile d'après moi, mais tu peux.

Il est pas aimable avec elle, mais il a l'impression qu'elle joue avec lui. Parce qu'elle sait qu'elle lui plaît mentalement, pas physiquement, parce qu'il l'a jamais vu. Et Silas, il sait aussi qu'elle est pas indifférente, mais elle, elle l'a encore moins vu, parce qu'il a même pas de photo de profil. Il est pas du genre à afficher sa tête sur internet, lui. Alors elle sait pas, elle sait juste son prénom, rien d'autre. Elle sait pas que Silas, il est brun aux yeux bleus, elle sait pas qu'il est sauveteur. Elle sait pas qu'il fait des recherches sur elle.

[01:08] BLISS - Silas ?
[01:10] SIL - Quoi ?
[01:12] BLISS - Tu m'appelleras un jour ?
[01:14] SIL - T'es bizarre, Ryan.
[01:14] BLISS - Mais c'est rien un appel.
[01:15] SIL - Mais pour ça il me faut ton numéro.
[01:17] BLISS - Ouais. Mais tu t'en serviras que pour m'appeler. Pas de textos, tu vois ?
[01:20] SIL - Non, pas vraiment. J'vais aller me coucher, parce que j'bosse moi demain.
[01:22] BLISS - Tu bosses dans quoi ?
[01:23] SIL - T'aimerais bien savoir, pas vrai ?
[01:23] BLISS - Allez, s'il te plaaaaît.
[01:24] SIL - ♥

Et il se déconnecte, parce qu'il sait pertinemment qu'elle va le retenir, et qu'il va céder. Parce que Ryan, il la trouve attentionnée, intelligente et drôle. Parce que Ryan, elle est pas comme les autres, il le sent. Le brun expire la fumée du spliff, il la regarde danser devant ses yeux, un sourire s'étirant sur ses lèvres. De toute façon, ce qu'elle sait pas Ryan, c'est qu'il est dans la même ville qu'elle, parce qu'il l'a retrouvé, il a mis du temps, mais il l'a fait. Quand il l'a retrouvé, il s'est tiré de Seattle. Non pas pour elle en particulier, mais parce qu'il pouvait plus respirer là-bas. Il pouvait plus ignorer son père et son frère. Alors il est parti. Parti pour quelque chose de nouveau, sans beaucoup d'argent, mais c'est ce qu'il aime lui. Partir avec presque rien, à la découverte d'autre chose.