I'm on a roaler coaster that only goes up,
my friend

Manfred n'avait jamais été le drame favoris de Tobias. Encore moins depuis qu'il avait donné son nom à un personnage de L'Âge de Glace. Mais en cette fin d'après-midi, où le ciel taisait une pauvre lumière rosé à sa fenêtre, il n'avait pas su résister à l'appel de ses pages. C'était presque comme une première lecture tant cela faisait des années qu'il ne l'avait pas ouvert. Manfred faisait parti des quelques livres qu'il avait emporté, ou plutôt volé, en partant de chez ses parents. Il l'avait pris par erreur, en hâte, le petit bougre étant resté coincé entre Le Pélerinage de Childe Harold et La Complainte du Vieux Marin, mais, contrairement au marin, Tobias ne s'en était pour l'instant jamais plaint. On a jamais trop de livres sur soit se disait-il.
L'appartement était vide, tout le monde travaillait, à part lui bien sûr. Sharlie et Shea était probablement en train de vendre un de leurs gâteaux immondes, alors que Tate se faisait bien trop d'argent en faisant Dieu sait quoi. Il avait beau être son meilleur ami, dès qu'il commençait à lui parler boulot, Tobias débranchait aussitôt complètement. Il ne se faisait certainement pas autant d'argent qu'eux trois, mais lui au moins avait le plaisir de profiter de ce genre de moments d’intimité littéraires. Assis à la fenêtre, respirant l'air frais tout en lisant les vers paisibles d'Astarté, le jeune homme se fit pour la millième fois la même réflexion : cet appartement est parfait. C'était probablement le seul endroit sur Terre qui offrait cette lumière précise, cette température précise, et ce confort précis, à ce moment... précis.
Il se battait avec les "SS" comme il les appelait, joyeuse comparaison avec les nazis de l'occupation, depuis déjà bien un an pour avoir l'appart' à Tate et lui uniquement. Il aura fallu 4 ans aux français pour se débarrasser de leurs envahisseurs. Tobias espérait bien battre ce record. Shea avait beau être une des femmes les plus attirantes qu'il ait croisé, elle restait son ennemi. Anchorage était censé être un havre de paix pour les deux amis, et ils se retrouvaient, enfin, surtout Tobias, à devoir se battre contre deux furies sur talons hauts.
Alors que cette pensée traversait son esprit, le blond laissa échapper un long soupir. Il en avait marre, mais n’envisagerait certainement pas de se rendre de si tôt. Tate ne semblait pas mal vivre cette "colocation" forcée, et lui-même trouvait que ça en valait la peine, alors autant dire qu'ils ne seraient pas prêt de déménager. Ce n'était ni la première, ni la pire guerre qu'il menait. C'était peut-être même la meilleure ?
Un sourire étendit son visage, et Tobias se reconcentra sur le désespoir de Manfred, alors qu'une douce brise vint caresser la main qu'il leva pour tourner la page.